Sale odeur [PV Oscar]

Un plan machiavélique, telles fussent les seules pensées qui s’échappèrent de l’esprit de Serge lorsqu’il enfila son manteau à la sortie du restaurant de luxe le « Irkoutsk ». Un type baraqué l’attendait près de sa Mercedes. A peine eut il enfilé le vêtement que le type ouvrit la portière, Serge s’y engouffra. L’homme de main referma la portière et alla s’installer sur le siège du conducteur, en effet Serge n’arrivait pas à remettre la main sur son imprévisible et violent de laquais depuis plusieurs jours, le trop bien nommé « Major Suicide ». En attendant de le retrouver et de le pénaliser financièrement, c’est un dénommé Mikhaël qui avait prit le job, ancien Spetnatz , vétéran de l’Afghanistan et de la Tchétchénie. Un soleil radieux, on pourrait vraiment croire au réchauffement climatique. Serge, à l’arrière, restait calme et silencieux, il sortit lentement une paire de lunettes de soleil qu’il enfila avant de sortir un chewing-gum. Le chauffeur se risqua à la parole.

« On va dans le centre patron ? »

Serge détourna son regard fixant le rétroviseur du chauffeur.

« Changement de cap, vous mettez le cap sur le quartier des chicanos, j’ai l’adresse. Et ne m’appelle pas patron, je ne suis pas ton patron, ce serait trop d’honneur … »

Il sortit un papier plié qu’il donna à son chauffeur avant de se rasseoir confortablement dans le fond du siège. Une centaine de mètres plus loin, une voiture noire se cala derrière eux, d’abord intrigué, le chauffeur prit presque panique.

« Je crois que nous sommes suivis … euh … Monsieur. »

Serge prit un air exaspéré.

« Je sais … continue de rouler et ne t’arrêtes pas. »

Ils reprirent leur chemin, désormais collé au cul par une lourde allemande sombre aux vitres fumées. Ils empruntèrent le périphérique puis sortirent à un échangeur et les voilà dans le quartier latino, le dernier endroit dans lequel Serge aurait aimé se trouver. Il sortit, d’une poche intérieure de son long manteau, son colt dont il enleva la sécurité. Dans les quartiers miséreux et délabrés, la venue de deux voitures européennes derniers modèles attisaient la haine et la curiosité. Un latino à l’épaisse barbe cracha même sur le véhicule en passant, les bras couverts de tatouages, sûrement un caïd de Tijuana. Les deux voitures descendirent lentement l’avenue dans cette atmosphère lourde avant de s’arrêter devant une imposante bâtisse devant laquelle traînaient deux loubards la tronche couverte de tatouages, le corps intégralement couverts de tatouages. Serge rangea son arme.

« Très bien, c’est moi qui parle à ces fils de pute, compris. »

Le chauffeur coupa le moteur alors que la seconde voiture en fit de même. Serge sortit en parfaite synchronisation avec le reste de la bande, son chauffeur et deux hommes qui descendirent quant à eux de l’Allemande derrière eux. Le mafieux lança des regards dans plusieurs directions avant de se tourner vers la bâtisse et les loubards qui s’étaient redressés de leur mur d’appoint. Le regard fier et supérieur, l’un d’eux s’approcha du cortège. Les rangs des russes se serrèrent autour de leur patron.

« Gringo, vient voir. »

Le répugnant latino ne bougea pas d’un pouce, une envie de meurtre dans les yeux, il fixait les quatre russes tout vêtus de noir, le teint pâle avec de grands sourires.

« Quoi ? Toi pas comprendre l’anglais ? »

Rapidement le type s’approcha et braqua son colt dissimulé dans son baggy près du front du mafieux qui ne bougea pas d’un pouce. Les hommes de main en firent de même et braquèrent leur divers colt et desert eagle sur les deux loubards. Serge quant à lui sortit un sourire avant de tirer sur son col laissant apparaître un tatouage en forme de rosace.

« J’ai rendez-vous avec ton patron. »

Le type, trop fier, retira son arme qu’il rangea dans son pantalon avec un sourire. Les Russes, sur un geste de Serge en firent de même. Il pivota et ouvrit la porte du bâtiment avec un violent coup de poing. Il cracha sur le sol et se déporta sur la droite. Serge s’avança en premier, bientôt suivi par sa ribambelle.

« Si jamais je trouve le moindre pain sur ces caisses je te ferai bouffer tes intestins, capiche ? »

Serge s’engouffra dans un sombre hall avec ses types. Un autre loubard lui encore, couvert de tatouages sur tout le corps leur fit signe de venir. Il les promena dans un dédale de couloirs puant l’urine avec des traces d’humidité partout, quelques junkies dans les couloirs, des gosses qui pleurent, des prostitués. Ils s’arrêtèrent enfin devant une porte, le garde toqua, un « Si » se fit entendre et la porte s’ouvrit. Serge ne put rien voir avec cette ambiance enfumée et il s’avança, à peine eut il franchit le seuil de l’insalubre salle qu’une main l’arrêta. Deux gardes sur les côtés, ils se mirent à le fouiller, Serge n’opposa pas de résistance lorsque les malfrats trouvèrent son arme. Serge la reprit violemment des mains ce qui eut pour conséquence un braquage de flingue sur sa tempe. Calmement, il sortit le chargeur qu’il donna au type.

« J’adore cette arme. »

Il lança un regard derrière lui et parla en russe.

« Videz vos flingues les gars. »

La fouille terminée. Ils se retrouvèrent tous les quatre dans une salle sombre et enfumée. En face d’eux, une espèce de comité de mes deux avec des latinos fumant leur chichon. Le sol couvert d’aiguilles. L’un des affreux aux tatouages parla en premier dans un anglais approximatif avec un fort accent d’Amérique Centrale.

« On a été prévenu de ta visite le Russe, il paraît que tu nous apportes quelque chose. »

Serge s’avança calmement, un sourire aux lèvres.

« Pas exactement. »

« Alors quoi ? Parle ! »

L’affreux s’énervait tout seul.

« Nous avons prit en compte votre récente apparition dans le paysage urbain fort mouvementé de Karandras … »

« M’embrouille avec tes longues phrases le Russe. »

« Très bien … Nous sommes prêts à fournir armes et munitions à votre organisation moyennant finances et accord diplomatique. »

« Et c’est tout ? »

« J’apporte l’aide de mon clan à votre gang de mes deux c’est déjà beaucoup. »

Serge cracha au sol pour marquer son dégoût. Les représailles ne se firent pas attendre et une flambée de flingues se tournèrent vers eux.

« Tu viens chez moi, tu m’apportes rien et tu m’insultes, tu te crois où ? »

« Je me crois dans ma ville et si vous tenez à votre survie, je considère mon offre comme très bonne. »

« T’es qui ici ? »

« Helvitch … Allez demander à Nawana, allez demander à Tijuana, allez demander aux ritals, aller demander au gouverneur de cet Etat, il vous répondra. »

L’affreux fit un geste, les flingues disparurent.

« Bien tu m’offres quoi alors ? »

« Tout quoi tu veux … en petites livraisons, garantit pièces et main d’œuvre contre finances et promesses de rester neutre dans le feu qui s’annonce. »

« Quel feu ? »

« Tu es OK ? »

Serge ne le laissa pas en savoir plus.

« Je marche, MP-5 et Colt, le plus tôt possible sur Alcazar Street. »

« J’suis pas taré, dans trois jours sur les gués de San Barrio., c'est un territoire neutre »

« Je marche. »

« Bien, je ne suis jamais venu ici. »

Serge se retourna, les autres russes en firent de même. Ils récupérèrent leurs chargeurs à la sortir avant de faire le chemin en sens inverse. A cet instant, la seule question qui préoccupait Serge était comment cette odeur de merde allait elle partir sur ses vêtements. Son chauffeur ouvrit la porte donnant sur la rue. Les deux voitures étaient là mais plus de traces du loubard, mais l’autre était là, toujours au même endroit, on se fait vraiment chier dans les banlieues de nos jours. Serge respira enfin l’air libre, il porta son regard sur le gangster.

« Eh Gringo t’as une clope ? Tu parles anglais toi j’espère ? »

Comme une envie de rôtir un gamin. De dos, il aurait très bien pu lui loger une putain de balle entre ses omoplates de petit chicano bagnard mais il était chez lui, Serge tenait bien trop à son honneur et surtout à sa peau. En revanche, il ne pouvait pas le laisser partir comme ça avec le dernier mot, c’est une insulte, quartier latino ou pas. Il passa la clope à son chauffeur, Serge ne fumait cette merde, il voulait juste un petit souvenir pour prouver son passage dans le coin.

« Eh Gringo ! »

Hurla Serge, le type ne devait pourtant pas être à cinq ou six mètres de lui, continuant sa marche. Cela promettait une bien belle petite bagarre d’orgueil, apparemment les deux hommes ont un caractère bien trempé. Il attendit de capter son attention et celle du bloc entier par la même occasion, l’accent russe ne passant pas totalement inaperçu dans ce coin. Il laissa tomber au col son long manteau noir qui tomba violemment, le manteau transportant son fric, son téléphone et son arme. Balançant ses lunettes au sol, il enleva son tee-shirt laissant exhiber sa peau de blanc bec dans ce quartier de bronzé. Il se retourna un sourire aux lèvres.

« Et celui-ci tu sais ce qu’il signifie ? »

La vipère étoilée recouvrant l’intégralité du dos du mafieux, il y a quelques années, ce tatouage symbolisait le pouvoir le pouvoir absolu, aujourd’hui il impose le respect et montre encore un grade important dans Karandras. Il se retourna, désigna la rosace sur sa clavicule gauche.

« Et celui-ci ? »

Devant le public intrigué qui commençait à s’agglutiner sur le trottoir d’en face, certains était à deux doigts de sortir leur arme, sentant le danger, les Russes, peu rassurés par l’attitude leur patron commencent à se serrer, posant une main sur leur arme au cas ou, le regard inquiet autour d’eux. Il était temps de mettre un terme au spectacle. Le mafieux exhiba encore un instant ses tatouages, une tête de cheval coupée sur l’épaule droite symbolisant sa victoire sur les mafieux mongols, une croix avec inscrit « Youri » en cyrillique en dessous lui rappelant la mémoire de son défunt chauffeur.

« J’aime pas ton attitude merdeux, et pour ta petite armée, croit moi, elle aura besoin de moi. »

Il cracha et plaça deux doigts sous sa gorge, le regard fixe vers le jeune homme.

Tout est déformé dans ce quartier, la moindre offense entraîne la bagarre générale, ce quartier était vraiment une décharge humaine. L’affreux merdeux avait du cran et l’avantage du terrain. Serge trouvait ces explications plus qu’étranges en attendant. Il attrapa ses vêtements au sol qu’il renfila lentement depuis le regard de ses amis quelque peu paniqué par la situation, on trouve plus de main d’œuvre docile et courageuse de nos jours. Une fois son manteau enfilé avec un petit geste pour enlever un brin de poussière sur les épaules. Il hocha de la tête en direction du type. Un geste de tête et son chauffeur se précipita pour ouvrir la portière de la voiture, sûrement pressé et ravi au passage de s’en aller de ce quartier.

« Renseigne-toi, j’suis sûr que beaucoup de gens ici pourront t’aider. »

Il s’approcha d’un de ses types avant de plonger la main dans la poche du manteau de ce gorille qui se demandait ce que son patron pouvait bien faire. Quelques-uns uns retinrent leur souffle espérant ne pas voir un flingue entrer en jeu. Serge sortit de la poche de son garde un bifton de 50 qu’il déposa lentement sur le sol.

« Ça c’est pour la caisse. »

Il ordonna silencieusement à ses hommes de remonter dans leur véhicule, la tension descendait d’un cran.

« On est tous parfois contraint de faire commerce avec des « macaques » pour vivre ici. »

Le mot « macaque » il l’avait prononcé en russe, pas de doute que l’avoir prononcé dans la langue de Shakespeare aurait entraîné une bataille rangée. Le chauffeur démarra la voiture, ce que fit également la seconde voiture. Le chauffeur redescendit pour ouvrir la portière arrière.

« Fais-toi un nom et je serais ravi de faire des affaires avec toi. »

Il lança juste un regard aux alentours.

« Sympa votre quartier vraiment, Je peux vous emmener faire un tour si vous voulez … »

Tout en fixant les quelques badeaux en armes qui restaient.

« … En particulier au Pont de Ballaway. »

Cette dernière phrase eut pour effet de dissiper les dernières menaces. En effet ce lieu inspirait la crainte et le respect, ce pont en ferraille situé à l’est de la ville près du quartier industriel et des docks était désaffecté depuis un moment, les seules personnes qu’on peut rencontrer sont des gros types balançant des sacs dans le canal, plus communément appelé « le vide ordure », cet endroit a beaucoup construit la légende autour de Helvitch de toute sa clique. Avant de grimper dans le véhicule, il hocha la tête de nouveau en direction du type, il avait gagné cette manche. Prions pour qu’il attrape le billet avec la moitié de ce quartier.

Les véhicules firent gronder leurs moteurs sur gonflés pour impressionner les gamins ou les derniers terroristes. L’œuvre fut de rentrer vite fait pour la livraison de ce soir. Pas de doute que la visite du Russe laissera une empreinte pendant quelques jours au moins.